Recyclage de vieilles unités centrales

En ce début d’année 2023, GEBULL a déménagé (et comprimé) son stock de matériel d’un local vers 3 palettes dans un rack. Nous avions en effet amassé un grand nombre d’ordinateurs (quand ce ne sont pas les visiteurs qui nous les apportaient) et nous nous occupons de les retaper et d’y installer la distribution Artix Linux avant de les redistribuer (à prix libre) à des associations du Bocage Deux-Sèvrien (ou de la gâtine poitevine).

Le local que nous occupions au sein du tiers lieu La Gob, va ainsi pouvoir être aménagé en bureaux et nous n’aurons plus à monter d’escalier pour atteindre notre stock.

Pour cette opération nous nous sommes posés la question de l’évacuation d’une grande quantité de matériel informatique vétuste et encombrant. Un arbitrage entre pragmatisme et investissement bénévole a tranché en faveur d’un démontage des unités centrales d’ordinateur à jeter, afin d’en récupérer les composants montés sur socket et donc facilement détachables (micro-processeurs, mémoires RAM, stockages persistants de données, lecteurs, EEPROM de BIOS, cavaliers…) et de pousser le démontage jusqu’à séparer 4 types de ressources : ballast électronique (DEEE*), ferraille, aluminium et cuivre.

200kg d’ordinateurs ont pu être traités en une soirée (2h) par 8 bénévoles qui ouvraient les boîtiers, détachaient ce qui pouvait l’être à l’aide d’un simple tournevis et triaient les morceaux.

On aurait pu aller plus loin car les alimentations et divers lecteurs (CD/DVD…) se présentent eux aussi sous la forme d’un boîtier métallique renfermant surtout du vide et quelques composants soudés sur une carte d’époxy cachée derrière une façade plastique. Il aurait donc été possible d’attaquer récursivement ces composants et requalifier ainsi l’essentiel de leur masse en ferraille au lieu de DEEE.

L’idéal serait même de dessouder les composants électroniques pour se constituer un stock de condensateurs et de résistances. Mais traiter toutes ces cartes mères prendrait beaucoup plus de temps et demanderait plus de matériel (fers à souder, tresse ou pompes à dessouder…) et de compétences (pour manier le matériel en question). En pratique, nous avons réservé un carton de cartes mères pour s’y attaquer dans un 2e temps et constituer une capacithèque permettant de remplacer les condensateurs défectueux auxquels il n’est pas rare d’être confronté quand un appareil électronique (ordinateur, écran, chaudière…) arrête brusquement de fonctionner ou connaît des ratés au démarrage.

« C’est toujours un condensateur »

Dr House, s’il avait fait électronique au lieu de médecine

Avoir des cavaliers (ou jumpers) d’avance peut permet d’activer les réglages d’un disque dur ou d’une carte mère, ou encore d’en avoir à remettre sur les connecteurs de la pile d’un BIOS qu’on vient d’effacer lorsqu’on fait tomber le cavalier en question entre deux lames de plancher pendant l’opération. Ça ne mange pas de pain d’en avoir quelques uns…

Les EEPROM sont, comme leur nom l’indique en anglais dans le texte, des mémoires reprogrammables et peuvent permettre d’ajouter une fonctionnalité bridée sur une carte graphique ou de suivre les déplacement d’un oiseau protégé (voir le précédent billet).

Les disques durs de trop faible capacité furent démontés pour isoler leurs semelles d’aluminium. Ceux présentant une capacité encore pertinente ont été ré-écrit en 0 pour assurer que leurs précédentes données soient hors de notre portée (mais il est possible de faire encore mieux).

La RAM est facilement recasée dans les machines qu’on livre (toujours gonflées et en dual-channel).

Pour les micro-processeurs, en 20 ans de carrière et même avec un petit passé d’overcloackeur, je n’en ai jamais croisé de défaillant, alors je veux bien les stocker, mais ça pèse lourd pour pas grand chose…

Nous avons sinon bien entendu gardé un échantillon de chaque type de composants : alimentation électrique (pour pièce), lecteurs/graveurs CD/DVD (les lasers pouvant trouver d’autres applications).

Pour clore la soirée, nous avons chargé tous les morceaux dans un véhicule utilitaire, et, avec le recul : sans faire assez attention à bien séparer les différentes natures de chargement (ce qui nous a joué des tours à la décharge).

En pratique, le bénévole à qui appartenait le véhicule a encore pris le temps de séparer au burin et au marteau les socles en cuivre des radiateurs de micro-processeurs des ailettes en alu et de séparer les fils en cuivre des alimentations, claviers et souris dans un sac à part. Attention d’ailleurs, si cette activité s’avère être la plus rentable, il faut quand même vérifier que les fils soient bien en cuivre et pas en aluminium…

Puis direction le ferrailleur de la ville.

Voici les tarifs pratiqués (en décembre 2022) :

  • 4000€ / tonne de cuivre mêlé*
  • 1000€ / tonne de cuivre brut*
  • 750€ / tonne d’alu « carter »
  • 140€ / tonne de « cisaille » (ferraille)
  • 80€ / tonne de DEEE ou de ferraille « platin » (tout venant)

Notons que la profession a nommé les différentes qualités de matériaux en fonction de leur degré de pureté. Anomalie au tableau, le cuivre mêlé (les fameux fils avec gaine) ont été racheté 4x le prix du cuivre brut (pourtant plus pur) il y a probablement une subvention à l’œuvre pour éviter les brasiers sauvages*. Le cuivre est ensuite le minerai le plus précieux que nous ayons su présenter (mais il y a de l’or et du palladium dans les ordinateurs, pour qui trouvera comment le récupérer efficacement), suivi de très près par l’aluminium (qui n’est donc pas à négligé non plus malgré sa faible masse… d’ailleurs il est facile à conserver alors qu’un tas de ferraille rouille et diminue d’autant).

* ajout du 2023-08-08 : Suite à un second passage il s’avère que si les ferrailleurs n’ont en effet plus le droit de reprendre les fils calcinés il n’y a pas de subvention et la différence de prix s’explique seulement par une regrettable erreur lors de l’établissement de la facture (confusion entre les poids de nos deux qualités de cuivre).

Notons ensuite deux qualités de ferraille justement : la cisaille et le platin (ou platinage). Nos boîtiers d’ordinateurs, une fois séparés de leurs façades plastiques, ont été repris en cisaille par l’employé en charge de notre dépôt, ce qui n’était pas l’avis de la caissière qui, ayant vu du fer peint, l’aurait classé en platin. L’employé a probablement voulu encourager la démarche de tri de l’association (l’enjeu étant mineur, on passe au mieux une fois par an). Ce qui est saisissant par contre, c’est le gouffre entre les prix de la ferraille et du cuivre, d’un facteur 10x environ.

Enfin les DEEE, que l’humanité ne sait pas encore vraiment recycler alors qu’il contiennent de grandes richesses (composants fonctionnels, éléments rares…) sont repris au vil prix du platinage. L’or et le cuivre des circuits imprimés sont aujourd’hui considérés comme « pulvérisés » et la question de leur récupération anime un grand nombre de chercheurs et d’entreprises… Une tonne de DEEE contient en moyenne 40 fois plus d’or qu’une tonne de minerai naturel.

Dans notre cas, le produit de la vente fut découpé ainsi :

  • 4€ – 1kg de cuivre mêlé (les fils)
  • 6€ – 6kg de cuivre brut
  • 9€ – 12kg d’alu « carter » (les boitiers de disque dur et radiateurs)
  • 5€ – 60kg de DEEE
  • 17€ – 120kg de ferraille qualité « cisaille » 

Total : 41 €

C’est un peu en dessous d’une journée au SMIC (pour une seule personne).

C’est presque 2 cotisations à l’association.

D’un autre côté, un passage en déchetterie est généralement décompté d’une carte, voire facturé au delà de certains seuils et si nous avions tout jeté en tant que DEEE sans trier, nous n’en aurions eu que pour 16€ seulement. Quand on a pas une grosse équipe de bénévoles, ça reste une piste.

Notons enfin, pour quitter l’univers de la ferraille que la profession est encadrée et qu’une carte d’identité est demandée avant tout paiement, qui s’effectue par chèque. Ça n’a pas toujours été le cas, comme en atteste la BD : « Il était une fois en France » de Sylvain Vallée et Fabien Nury (Glénat).

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